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Les investisseurs en actions du monde entier ont été confrontés à un certain nombre d’incertitudes en 2015, les anticipations de relèvement des taux d’intérêt aux Etats-Unis, la faiblesse des cours des matières premières et le ralentissement de la croissance en Chine ayant pesé sur le sentiment des investisseurs. Ces difficultés ont sans doute été plus importantes encore pour les marchés émergents dans leur ensemble, certains étant plus pénalisés que d’autres. Carlos Hardenberg, vice-président senior et directeur des stratégies marchés frontières, explore ici les opportunités d’investissement identifiées sur les marchés frontières (le sous-ensemble le moins développé de l’univers des marchés émergents) en surveillant certains pays qui pourraient bien selon nous redorer le climat d’investissement à terme.

Carlos Hardenberg
Vice-président senior
Directeur des stratégies marchés frontières
Templeton Emerging Markets Group
Lorsque l’on parle des marchés frontières, la première question pour un grand nombre de personnes porte sur leur classification. J’ai un jour lu l’une des méthodes les plus intéressantes pour définir un marché frontière, qui consistait à identifier un pays où la célèbre chaîne de café Starbucks n’était pas implantée ; mais je ne suis pas certain d’être forcément d’accord avec cette affirmation ! Des indices tels que le MSCI Frontier Markets[1] peuvent servir de guide, dont l’inclusion et le poids sur certains pays sont définis en fonction du développement économique, de la taille, de la liquidité et de l’accessibilité au marché. Chez Templeton Emerging Markets Group, notre gestion n’est pas contrainte par un quelconque indice de référence. Les marchés frontières sont considérés selon nous dans leur ensemble, en tant que marchés plus récents ou plus jeunes et à un stade de leur développement économique plus précoce que d’autres marchés émergents plus grands. Ils possèdent en outre des taux de croissances plus importants, un moindre degré d’investissements étrangers et une couverture broker. Les marchés frontières sont situés en Asie, en Afrique, en Europe et en Amérique du Sud.
La prudence a été de mise en 2015
Lorsque les investisseurs font preuve de prudence accrue ou d’incertitudes, le risque perçu des marchés émergents en tant que classe d’actifs dans leur ensemble – et les marchés frontières en particulier en tant que sous-ensemble – peut se traduire par des périodes de sous-performance face aux marchés développés. C’est d’ailleurs ce que nous avons observé en 2015. Néanmoins, l’environnement de marché en 2015 souligne pour nous l’importance de respecter une approche « bottom-up», en considérant d’un œil critique chaque pays et chaque société qui les compose. Il est impossible de peindre d’un même coup de pinceau l’ensemble des marchés émergents – ou des entreprises qui les composent. A titre d’exemple, certains des marchés ayant le mieux performé au monde en 2015 pourraient en surprendre plus d’un : c’est le cas du Venezuela, qui a enregistré une performance de plus de 200 % en 2015,[2] ou encore de l’Argentine, qui a généré plus de 50 %.[3] Les deux pays ont été confrontés à des difficultés économiques et politiques, mais certaines entreprises implantées chez eux ont su prospérer. Et nous pourrions désigner bien d’autres marchés frontières qui ont surperformé en 2015 malgré un environnement difficile pour les marchés émergents en tant que classe d’actifs dans leur ensemble.
Les environnements de marché difficiles constituent à nos yeux des opportunités, car nous profitons des phases baissières pour sélectionner des valeurs que nous jugeons attractives mais injustement sanctionnées. Bien que de nombreux investisseurs ne soient pas positionnés sur les marchés frontières, nous pensons que cette tendance pourrait s’inverser avec le temps. Selon nous, si les investisseurs venaient à s’intéresser davantage aux entreprises basées dans ces marchés, les valorisations pourraient augmenter.
Les marchés frontières représentent des opportunités d’investissement de long terme particulièrement intéressantes pout notre équipe. Nous identifions dans les marchés frontières des fondamentaux positifs, notamment une croissance économique solide, une abondance des ressources naturelles et humaines, des tendances démographiques favorables, des progrès technologiques potentiellement rapides, ainsi que des éventuels bénéfices grâce à la modernisation des infrastructures et l’amélioration des normes de gouvernance. Nous pensons que les valorisations des entreprises des marchés frontières sont généralement plus faibles que celles de leurs homologues des pays développés. A cet égard, les récentes fluctuations des marchés ont creusé l’écart entre les valorisations des marchés frontières, émergents et développés (sur la base des indices MSCI correspondants). En outre, de nombreux marchés frontières bénéficient de moteurs internes très puissants qui peuvent réduire leur corrélation avec les pays émergents et développés et fournir une diversification accrue aux investisseurs. Voici ci-après quelques-uns des marchés frontières pour lesquels nous sommes particulièrement enthousiastes à l’heure actuelle :
Vietnam
Si nous investissons au Vietnam depuis de nombreuses années, les investisseurs commencent tout juste à s’intéresser à ce pays. Il y a près de 10 ans déjà, nous étions parvenus à la conclusion que le pays présentait une opportunité d’investissement unique au sein de l’univers des marchés frontières car il était sous-représenté et faisait l’objet de très peu d’analyses. A cette époque, il n’y avait quasiment aucune étude conduite en anglais à l’égard des sociétés vietnamiennes. Le Vietnam semblait largement boudé par rapport à ses voisins dans la région, et l’on y dénombrait presque aucune entreprise étrangère. Nous avons passé beaucoup de temps à sillonner le pays, à rencontrer les gérants locaux afin de nous familiariser avec l’environnement économique et politique avant de nous décider à y ouvrir un bureau. Le Vietnam est dirigé par un système politique composé d’un parti unique, avec un puissant contrôle étatique et une participation de l’Etat dans les entreprises qui s’apparentent au système chinois. Néanmoins, nous avons noté que la mentalité des personnes rencontrées était largement tournée vers les entreprises et le capital.
Lorsque nous avons commencé à investir dans le Vietnam en 2008, l’économie était confrontée à quelques défis, notamment un déficit chronique de la balance courante. Si le Vietnam possédait du pétrole et du gaz naturel, ces derniers ne pouvaient être raffinés localement. Aussi, le gouvernement a-t-il dû exporter et racheter les produits finis (ces dernières années, le pays s’efforce de changer cette pratique avec la construction de raffineries locales). En découvrant davantage l’environnement d’investissement au Vietnam, nous avons également noté une hausse rapide du niveau des investissements directs étrangers, et leur qualité était très élevée – des marques mondialement connues conduisaient des opérations manufacturières au Vietnam et embauchaient des milliers de personnes. Aujourd’hui, la liste des entreprises internationales qui produisent des biens (dans l’électronique, le textile et les fournitures) au Vietnam est longue. De nouvelles multinationales dans un certain nombre de secteurs pourraient selon nous ouvrir des magasins au Vietnam, afin de profiter de sa main-d’œuvre à bas coûts et de sa population éduquée.
En outre, les propriétaires et gérants d’entreprises avec lesquels nous avons discuté ces dernières années nous ont fait part du caractère relativement simple de conduire des affaires dans le pays par rapport aux autres régions. Le rapport de la Banque Mondiale sur la facilité de conduire des affaires classe le Vietnam à la position 90 parmi les 189 pays étudiés en 2016 (une amélioration par rapport à sa position 99 en 2013), soit devant l’Inde, qui est classée 130e, par exemple.[4]
A nos yeux, le Vietnam possède un certain nombre de facteurs positifs jouant en sa faveur. La croissance du produit intérieur brut (PIB) est robuste, et estimée à 6,5 % en 2015.[5]Le pays est doté de nombreux ports et de l’une des routes commerciales les plus importantes au monde, avec un accès au très grand marché de consommation de son voisin la Chine. Le Vietnam développe son marché des exportations ainsi qu’un important marché de la consommation domestique. Nous explorons le marché de la consommation domestique en vue d’identifier des opportunités d’investissement potentielles. L’industrie laitière, qui est un marché rural et peu organisé au Vietnam, en est un exemple. La population achète généralement son lait auprès d’un fermier voisin, et non dans un supermarché. En peu de temps, nous avons assisté à la mise en œuvre d’un cadre réglementaire, et des producteurs industriels se sont introduits sur le marché en créant des marques avec des canaux de distribution plus officiels.
Outre un récent accord de libre-échange conclu avec l’Union Européenne, nous pensons que le Vietnam devrait largement profiter de la proposition de Partenariat Trans-Pacifique (PTP), car l’allègement voire la suppression des taxes pourrait être bénéfique à son marché des exportations, en particulier vis-à-vis des grands marchés de destination qui devraient rejoindre le PTP, à savoir les Etats-Unis et le Japon. Le Vietnam dispose d’une industrie de la pêche en bonne santé mais sous-utilisée, et davantage de ses produits issus de la pêche pourraient être servis dans ces pays et bien d’autres encore.
Bien que l’investissement étranger soit en hausse, le gouvernement vietnamien ne souhaite pas perdre le contrôle de ses actifs. Aussi, ce dernier point devrait-il rester un sujet de débat. Néanmoins, nous pensons que le Vietnam est un marché qui devrait continuer d’attirer l’intérêt des investisseurs ces prochaines années.
Bangladesh
Ailleurs en Asie, le Bangladesh possède un important marché domestique, avec une population de plus de 169 millions d’habitants.[6]De nombreuses personnes se souviendront certainement des gros titres liés à la formidable industrie du textile du Bangladesh en 2013, après l’effondrement d’un immeuble de huit étages, le Rana Plaza, des suites d’un incendie. Presque toutes les entreprises internationales de textile produisaient au Bangladesh. Ce qui est toujours le cas à l’heure actuelle. Tragédie terrible, l’incendie a permis d’attirer l’attention sur la nécessité d’obtenir une meilleure réglementation et surveillance, notamment en ce qui concerne les règles de sécurité pour les producteurs. Il reste encore du travail à faire, mais nous pouvons d’ores et déjà observer des progrès et des améliorations. Le Bangladesh a développé une niche robuste, de classe mondiale. Dans la production de textiles, le pays est extrêmement efficace car il possède les connaissances et les compétences pour s’intégrer au réseau commercial mondial. Par ailleurs, le secteur est doté de barrières élevées à l’entrée, ce qui devrait permettre au Bangladesh de conserver sa position de leader. Nous investissons dans ce pays depuis un certain temps déjà et continuons de rechercher des opportunités intéressantes, non seulement dans le secteur du textile, mais également dans d’autres industries pouvant bénéficier de la croissance du Bangladesh.
Nigeria (et reste de l’Afrique)
À l’exception de l’Afrique du Sud, tous les pays du continent africain sont considérés comme des pays frontières. Le plus grand marché de par sa population est le Nigeria, qui constitue un important marché pour nous en termes d’opportunités potentielles. Nul ne peut nier que le Nigeria a été confronté à un certain nombre de défis, avec un réseau électrique quasi inexistant et des infrastructures rudimentaires. La production d’électricité du pays entier peut probablement être comparée à celle d’une rue de New York. Néanmoins, la capacité du peuple nigérian à opérer dans les circonstances les plus difficiles est extraordinaire. Lors de mes voyages dans ce pays, j’ai été en particulier frappé à quel point le peuple nigérian, mais également de toute l’Afrique, s’approprie les télécommunications mobiles et l’internet. De nombreuses personnes qui n’ont presque ni nourriture ni toit possèdent des smartphones et utilisent des moyens de paiement mobiles pour différents biens et services.
La banque mobile est assez bien développée en Afrique en raison de l’absence de disponibilité des banques physiques ou des distributeurs de billets pour une grande partie de la population. L’on ne peut nier l’influence chinoise sur le continent africain lorsque l’on voyage au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Ethiopie ou encore au Kenya, à travers la construction de routes, ports, aéroports et tunnels, ou via les partenariats conclus avec des entreprises africaines locales. Si les matières premières africaines sont d’un certain intérêt pour la Chine, nombre de chinois s’installent en Afrique et y développent leurs petites entreprises. C’est une relation symbiotique.
La chute des cours des matières premières de ces deux dernières années s’est avérée difficile pour les pays africains, en particulier pour ceux qui dépendent des revenus issus du pétrole. Cependant, cette chute pourrait également être perçue pour ces pays comme l’occasion de réformer et diversifier leur économie. Elle contraint les gouvernements à gagner en rigueur, améliorer la collecte de leurs revenus et trouver de nouvelles méthodes pour développer leur économie et remplir les caisses de l’Etat grâce à des sociétés plus diversifiées, et pas seulement via la vente d’une seule matière première. Nous avons identifié un nombre élevé de multinationales qui s’implantent en Afrique pour la première fois, en particulier dans des pays dont les infrastructures s’améliorent et les pratiques commerciales sont facilitées, pour toucher une population vaste, saine et jeune.
A l’avenir, nous pensons que l’Afrique représente certainement le scénario le plus intéressant lorsque l’on considère les marchés frontières. Mais les investisseurs devront faire preuve de patience et comprendre certains des aspects singuliers relatifs aux pratiques commerciales de la région ainsi que les risques y afférents.
Divergences – et dette
Seuls quelques pays que nous explorons sont concernés pour l’année 2016 qui devraient, comme les années précédentes, être marqués par des divergences au niveau des marchés et, très certainement, des politiques monétaires du monde. Notons que si les investisseurs peuvent rester quelque peu averses aux risques en ce début d’année dans un contexte marqué par une hausse possible des taux d’intérêt aux Etats-Unis, d’autres banques (notamment en Chine, au Japon et en Europe) conservent des politiques monétaires accommodantes et fournissent des liquidités au marché. Certains marchés émergents et frontières survivront mieux que d’autres à un potentiel relèvement de taux aux Etats-Unis, sans que cela n’impacte notre intention d’investissement. De nombreux marchés frontières possèdent de faibles niveaux d’endettement dans les secteurs à la fois privés et publics, ce qui devrait leur permettre de conserver la tête hors de l’eau lors de chocs potentiels durant l’année.
Les commentaires, opinions et analyses exprimées dans le présent document sont communiqués à titre d’information uniquement ; ils ne sauraient être considérés comme un conseil d’investissement individuel ou comme une recommandation d’investir dans un quelconque titre ou d’adopter une quelconque stratégie d’investissement. Les conditions économiques et de marché étant susceptibles d’évoluer rapidement, les commentaires, opinions et analyses sont valables à leur date de publication et peuvent changer sans préavis. Ce document ne constitue pas une analyse complète des faits relatifs aux divers pays, régions, marchés, secteurs, investissements ou stratégies cités.
Mentions légales importantes
Tout investissement comporte des risques, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. Les investissements dans des titres étrangers comportent des risques spécifiques, comme les fluctuations de change, l’instabilité économique et l’évolution de la situation politique. Investir dans les marchés émergents, y compris dans la sous-catégorie des marchés frontières, implique des risques accrus concernant ces mêmes facteurs, lesquels s’ajoutent aux risques liés à leur plus petite taille, à leur liquidité inférieure et à l’absence d’un cadre juridique, politique, commercial et social établi pour soutenir les marchés boursiers. Les risques liés à l’investissement dans les marchés frontières sont encore supérieurs à ceux associés aux marchés émergents en raison du développement moins avancé des structures précitées, ainsi que du potentiel de forte volatilité des prix, de la liquidité insuffisante, des barrières commerciales et des contrôles sur les taux de change. Les cours des actions sont soumis à des fluctuations, parfois rapides et importantes, en raison de facteurs affectant les entreprises individuelles et certains secteurs ou sous-secteurs, ou du fait des conditions générales de marché.
[1] Source : MSCI. L’indice MSCI Frontier Markets est un indicateur pondéré par les capitalisations et ajusté du flottant, conçu pour mesurer la performance boursière des marchés frontières. Il est composé de grandes et moyennes capitalisations dans 24 pays : Argentine, Bahreïn, Bangladesh, Bulgarie, Croatie, Estonie, Jordanie, Kenya, Koweït, Liban, Lituanie, Kazakhstan, Île Maurice, Maroc, Nigeria, Oman, Pakistan, Roumanie, Serbie, Slovénie, Sri Lanka, Tunisie, Ukraine et Vietnam.
[2] Source : Bloomberg LP, 2015. L’indice IBC de la Bourse de Caracas (Venezuela), également appelé « General Index », est un indice pondéré par la capitalisation boursière parmi les 15 valeurs les plus liquides et hautement capitalisées de la Bourse de Caracas (Bolsa de Valores de Caracas). La performance de l’indice entre le 1er janvier et le 30 décembre 2015 était de 281 %. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Les indices ne tiennent pas compte des commissions ou frais qui peuvent être applicables. La performance passée ne saurait garantir les résultats futurs.
[3] Source : Bloomberg LP. L’indice argentin Merval, un indice pondéré par les prix des composants du panier, correspond à la valeur de marché d’un portefeuille de valeur sélectionné en fonction de sa participation dans la Bourse de Buenos Aires, du nombre de transactions effectuées au cours des six derniers mois et de la valeur des échanges. La performance de l’indice Merval entre le 1er janvier et le 30 décembre 2015 était de 60 %. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Les indices ne tiennent pas compte des commissions ou frais qui peuvent être applicables. La performance passée ne saurait garantir les résultats futurs.
[4] Source : Banque mondiale, « Doing Business 2016. »
[5]Source : Base de données du FMI, Perspectives de l’économie mondiale, octobre 2015. Rien ne garantit que les estimations ou prévisions se réalisent.
[6]Source : CIA World Factbook, juillet 2015 (estimation). Rien ne garantit que les estimations ou prévisions se réalisent.