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L’Organisation nationale malaisienne unie est restée au pouvoir pendant soixante ans, mais une défaite retentissante lors des élections générales du 9 mai l’en a chassée. À 92 ans, l’ancien Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad est sorti de sa retraite pour se représenter, et l’a emporté sur le Premier ministre Najib Razak, qui a été pris dans un scandale de corruption présumé. Pour la coalition de Mahathir, la victoire est d’autant plus remarquable que les chances étaient contre elle. Jusqu’à présent, la transition du pouvoir s’est déroulée en douceur, et le changement de régime est passé par les urnes sans effusion de sang, ce qui représente à notre avis une grande victoire pour les valeurs démocratiques de la Malaisie.
Mahathir a gagné sur un programme privilégiant la bonne gouvernance, et l’abandon de la taxe sur les biens et services (TBS) de la Malaisie était l’une de ses principales promesses. Cette taxe faisait partie du programme de réformes fiscales gouvernemental visant à élargir l’assiette fiscale en s’affranchissant de la dépendance pétrolière et à réduire le déficit budgétaire du pays. Bien que les impôts ne soient généralement guère populaires parmi les masses, certains craignent que la suppression de la TBS ne vienne contrecarrer les progrès réalisés dans la réduction du déficit depuis sa mise en œuvre en 2015.
Le nouveau gouvernement a annoncé vouloir abolir la TBS au lieu de l’éliminer totalement, et rétablir l’ancienne taxe de vente et de services (TVS). Il se dit aussi que les subventions du carburant, populaires parmi la population, pourraient être réinstaurées. La Malaisie est un exportateur net de pétrole et de gaz, et nous pensons donc que cette mesure ne serait pas d’office néfaste sur le plan fiscal.
En fin de compte, la question clé porte sur l’impact général sur la position fiscale malaisienne. Si la victoire de Mahathir repose sur la croyance que le système comporte des inefficacités et des fuites qui pourraient être corrigées, les mesures de réforme pourraient apporter un coup de pouce net positif aux finances globales du pays. S’attaquer à ce problème crucial pourrait entraîner une augmentation des recettes nettes, même compte tenu des subventions.
Les prix mondiaux élevés actuels du pétrole et du gaz sont également une aubaine pour les revenus de la Malaisie, ce qui constitue un autre filet de sécurité pour les finances. La Malaisie accuse un déficit budgétaire depuis plusieurs années, avec une dette extérieure qui, fin 2017, s’élevait à 215 milliards de dollars US, soit 65 % du produit intérieur brut.[1] Le nouveau gouvernement a annoncé son intention de s’y atteler et de les réduire dans les prochaines années.
Quelle évolution pour la Malaisie ?
La coalition Pakatan Harapan de Mahathir va maintenant former un nouveau gouvernement après avoir obtenu une majorité simple au parlement malaisien.
Nous prévoyons quelques perturbations pendant la transition, ce qui entraînera probablement une certaine volatilité du marché. Mais pour l’instant, il semble y avoir un sentiment généralisé de calme et d’espoir d’un nouveau départ pour le pays.
Selon le manifeste de Pakatan Harapan, la primauté du droit, la réhabilitation des institutions malaisiennes et l’abrogation de la concentration des pouvoirs au niveau exécutif sont d’une importance capitale. Nous pensons qu’il existe au sein de la coalition des leaders déterminés à réformer le système actuel.
En tant qu’investisseurs, nous pensons que les incertitudes à court terme pourraient mener à une vague de ventes épidermique, mais nous serions alors à la recherche d’opportunités dans un contexte de crise. Nous pensons qu’à moyen terme, les changements structurels en résultant au niveau de la gouvernance et de l’économie de la Malaisie pourraient être positifs pour sa devise, le ringgit, ainsi que pour ses actifs.
Il sera difficile de démêler le système de clientélisme malaisien, mais nous pensons que cela est essentiel pour libérer le plein potentiel et la productivité de la population. À notre avis, le niveau de succès sur ce front déterminera le potentiel de croissance à long terme de ce pays riche en ressources naturelles.
De manière générale, les banques reflètent l’amélioration de la croissance économique. La pression en faveur d’une meilleure gouvernance peut également se répercuter sur les entreprises liées au gouvernement, et les améliorations qui en résultent peuvent entraîner un accroissement de la compétitivité et de la rentabilité. Nous pensons que la création d’un environnement favorable aux affaires et à la primauté du droit permettra aux entreprises malaisiennes compétitives au niveau mondial dans les secteurs de la fabrication et de la technologie de s’épanouir davantage.
En revanche, il y aura inévitablement des incertitudes associées à un changement de gouvernement. Dans ce scénario, le secteur de la construction et les entreprises perçues comme étant liées à l’ancien régime pourraient supporter le poids d’une vague de ventes.
Compte tenu de son âge, Mahathir devrait devenir Premier ministre pour un bref laps de temps, en attendant que l’ancien dirigeant Anwar Ibrahim sorte de prison et obtienne la grâce totale du roi. Cette grâce permettrait à Anwar de revenir à la politique malaisienne et de briguer un siège au Parlement, ou un poste de sénateur. Beaucoup croient que Mahathir se retirera et qu’Anwar prendra la relève. Pour les observateurs de longue date de la politique malaisienne, cette évolution semble boucler la boucle.
La Malaisie se lance dans un nouveau voyage à un moment critique de ses six décennies d’histoire. Même si certains aspects du populisme sont susceptibles de saper le progrès économique, nous espérons que des réformes positives suivront en Malaisie, et entraîneront un regain de confiance des investisseurs. Nous sommes prudemment optimistes quant au fait que des progrès seront réalisés sous le nouveau gouvernement, ce qui renforcera les chances de l’économie malaisienne d’échapper au piège des revenus moyens.
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[1] Source : Bank Negara Malaysia