Je reviens tout juste d’un long voyage en Amérique latine qui a démarré au Mexique et m’a mené jusqu’au Pérou, au Chili, en Argentine et au Brésil. Je vous fais part ici de quelques points clé qui comportent de bonnes raisons d’être optimiste.
Les relations commerciales au coeur des préoccupations au Mexique
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis a entraîné au Mexique de vives préoccupations concernant les rapports du pays avec son voisin au nord, en particulier en matière d’échanges commerciaux. L’objectif annoncé par le président Trump de maintenir la faiblesse du dollar américain afin d’aider les sociétés américaines exportatrices est un facteur important pour les pays qui exportent massivement vers les États-Unis. Il sera intéressant de voir s’il y parvient compte tenu des potentielles hausses des taux d’intérêt américains, qui ont tendance à stimuler le dollar.
Les mesures politiques de l’administration Trump revêteront sans aucun doute une importance capitale pour le Mexique, mais nous ne devons pas oublier que le commerce entre les États-Unis et le Mexique est très vaste et important pour les deux nations. Les États-Unis et le Mexique sont des partenaires commerciaux majeurs, les échanges commerciaux bilatéraux ayant été estimés à un total de plus de 580 milliards de dollars en 2015.[1] Les échanges dans les deux sens sont axés sur le commerce de machines et de produits manufacturés. Le secteur automobile, comprenant les véhicules et les pièces, est la principale source d’exportation du Mexique vers les États-Unis. L’industrie automobile américaine dépend très largement des pièces en provenance du Mexique, c’est pourquoi il est impossible de simplement mettre fin aux échanges dans ce secteur.
Le Mexique est le principal fabricant de véhicules d’Amérique latine, le septième plus grand fabricant de véhicules au monde et bénéficie d’accords de libre-échange avec de nombreux autres pays.[2] Les États-Unis ne représentent donc certainement pas le seul marché du Mexique.
Parallèlement, les principaux marchés d’exportation des États-Unis sont le Canada et le Mexique et les produits agricoles exportés vers le Mexique en 2015 représentaient une valeur de près de 18 milliards de dollars.[3] Dans le cadre des exportations totales, ce chiffre est relativement faible, mais il est également significatif du point de vue politique. D’une manière générale, nous sommes d’avis que les craintes d’une rupture totale des rapports économiques entre les États-Unis et le Mexique sont probablement exagérées.
Cela étant, nous écartons la possibilité que la plupart des marchés émergents se voient amenés à évaluer leurs stratégies commerciales à l’égard des États-Unis, mais doivent également prendre en compte des rapports commerciaux au sens large.
Un état d’esprit plus positif au Brésil
Un autre événement de taille dans de nombreux pays d’Amérique latine a été l’effondrement du populisme. Ce fait s’inscrit d’ailleurs dans une tendance généralisée observée à l’heure actuelle. De nombreux pays émergents se détachent du populisme à l’heure même où certains marchés développés—y compris les États-Unis et certaines zones d’Europe—semblent y adhérer.
Dans le cas des marchés émergents, nous estimons que l’accès à Internet et aux smartphones a contribué à l’échec du populisme. De plus en plus de personnes sont maintenant au courant de ce qui se passe dans les plus hautes sphères de leurs gouvernements et sont en mesure de réagir et d’en informer le reste du monde. La fameuse enquête « lava-jato » (lavage express) au Brésil en est un bon exemple.
Nous avons récemment visité le bureau de la présidence brésilienne, dans la capitale Brasília, et il nous est apparu évident que les fonctionnaires gouvernementaux s’affairaient à introduire des réformes aussi vite que possible afin d’améliorer l’économie et de sauver leur carrière politique.
De notre point de vue, la plus importante de ces réformes est la privatisation d’un certain nombre d’organisations gouvernementales et la vente générale d’actifs de manière transparente et systématique, y compris certains projets pétroliers et d’infrastructures (parmi lesquels des aéroports).
Le Brésil a traversé une dure crise économique et politique qui a eu pour effet une plus grande volonté de réforme de la part du gouvernement. Nous sommes convaincus que toutes les conditions sont réunies pour poursuivre ces réformes. Bien que les prix des marchés actions progressent—l’indice Bovespa du Brésil a été l’un des plus performants au monde l’année dernière—nous voyons encore de nombreuses opportunités à venir.[4]
Pendant mon séjour au Brésil, j’ai également fait mon voyage annuel jusqu’à Rio, où j’ai eu des rendez-vous avec des entreprises et ai profité du Carnaval pendant mon temps libre.
La contribution économique du Carnaval
On estime que les festivités du Carnaval de cette année ont attiré plus d’un million de visiteurs dans la région de Rio de Janeiro à elle seule et contribué pour 3 milliards de réals brésiliens (soit plus de 900 millions de dollars) à son économie.[5]
Rio n’a pas été la seule ville à se sentir d’humeur festive. La presse locale brésilienne a fait état d’un nombre croissant de touristes visitant également São Paulo pour ses festivités et 1,5 millions de personnes auraient parcouru les rues de Brasília pour observer les parades et apprécier les « blocos » (fêtes de rue).[6]
En outre, les amateurs de cette fête ont dépensé plus d’argent que l’année dernière, ce qui a aidé à stimuler davantage les économies locales.
Nous avons bien subi les embouteillages de Rio, mais les événements nous ont semblé aussi bien organisés que d’habitudeSelon le Département du développement économique de Rio, le festival de Rio à lui seul a créé 250 000 emplois temporaires, dans lesquels sont compris les charpentiers et couturières travaillant tout au long de l’année à la préparation des différents chars. Dans le sambodrome, environ 1000 vendeurs de fast-food sont engagés pour les festivités et les « écoles » de samba de Rio dépensent plus d’un million de dollars chacune pour organiser leur spectacle avec des chars, des costumes et des danses élaborés. Le Carnaval montre bien qu’il est important de ne pas oublier qu’une économie peut sembler chancellante d’un point de vue macroéconomique, mais que certains segments peuvent se porter à merveille du point de vue microéconomique.
Au cours de notre travail à Rio, mes collègues et moi-même avons visité deux entreprises du secteur de la consommation : une entreprise de vente au détail et une autre se consacrant aux centres commerciaux. L’entreprise de vente au détail présentait un résultat solide mais historiquement plus faible dans un environnement économique exigeant. Elle travaillait au renforcement de ses opérations de vente sur Internet et, comme c’est le cas d’autres entreprises dépendant des ventes en ligne, elle avait rencontré des problèmes de livraison et de logistique, en particulier pendant les vacances, et procédait maintenant à une forte injection de capitaux afin d’améliorer cet aspect de son activité. Dans le même temps, elle prévoyait de continuer à accélérer le rythme d’ouverture de ses magasins physiques au cours des prochaines années afin de se préparer à une potentielle récupération du marché de consommation.
L’opérateur de centres commerciaux que nous avons rencontré a obtenu de bons résultats, mais a également fait face à un environnement éprouvant et a mis l’accent sur le contrôle des coûts pour stimuler les marges bénéficiaires. Cette société envisageait d’appliquer des remises de loyer cette année afin d’aider les locataires de centre commercial et il a été intéressant de remarquer que la circulation piétonne avait augmenté.
Grâce aux réformes proposées par le président Michel Temer, les niveaux de confiance sont à la hausse et on s’attend à une amélioration de l’environnement de consommation et à une potentielle réduction des taux d’intérêt à long terme.
S’il est vrai que le Carnaval se produit toujours dans un esprit festif, de nombreuses entreprises impliquées dans le scandale de corruption massive « lava-jato » n’en ressentent pas moins la crise et d’ailleurs l’enquête était toujours en cours pendant mon séjour au Brésil. Toutefois, pour conclure notre visite à Rio, il nous a semblé clair que, malgré le ralentissement économique, la reprise était en bonne voie. Bien que de nombreuses entreprises rencontrent toujours des difficultés, nous avons pu identifier plusieurs lueurs d’espoir.
Marchés émergents : une perspective globale
Si l’on observe le contexte général des marchés emergents, il est encourageant de remarquer que leur performance s’améliore et que, d’une manière générale, ils ont surpassé les marchés développés en 2016.[7] D’après nous, cette tendance est susceptible de se poursuivre, à la lumière des prévisions de croissance qui devancent toujours celles des marchés développés.
Selon le Fonds monétaire international, la croissance du produit intérieur brut (PIB) dans les marchés émergents cette année est prévue à 4,5 %, contre 1,9 % pour les pays développés.[8]
L’Amérique latine commence tout juste à mettre de l’ordre dans ses affaires. Bien qu’il semble probable que le Brésil obtienne péniblement une croissance économique inférieure à 1 % cette année[9], nous pensons qu’il pourrait y avoir un élan potentiel sur le long terme. Cette année, une croissance de 1,7 % du PIB du Mexique est prévue, tandis que celle de l’Argentine est prévue à 2,7 %[10].
Ces réflexions ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Nous poursuivons nos recherches approfondies sur les sociétés individuelles dans des contextes économiques en constante évolution et, malgré les défis, les perspectives d’avenir pour la région nous semblent encourageantes.
Vous pouvez en lire plus sur le populisme dans le rapport de recherche « Global Macro Shifts » rédigé par mes collègues de Templeton Global Macro, « Latin America : The Rise and Fall of Populism ». Les lecteurs des États-Unis peuvent accéder au document ici. Les lecteurs en-dehors des États-Unis peuvent accéder au document ici.
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[1] Source : Bureau du représentant des États-Unis pour le commerce extérieur, selon les données de 2015.
[2] Source : Export.gov, Trade Administration du Ministère américain du commerce. Selon les données de 2016.
[3] Source : Bureau du représentant des États-Unis pour le commerce extérieur, selon les données de 2015.
[4] Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des honoraires, des dépenses et des frais de vente.
[5] Source : Municipalité de Rio de Janeiro, communiqué de presse du Département des relations internationales, 7 mars 2017.
[6] Source : Municipalité de Brasília (Agencia Brasília) « Le Carnaval du district fédéral a attiré un public de 1,5 millions de personnes en 2017 ».
[7] En 2016, l’indice MSCI Emerging Markets était à la hausse de 11,2 %, tandis que l’indice MSCI World avait augmenté de 7,5 %. L’indice MSCI Emerging Markets reflète les moyennes et grandes capitalisations de 23 pays émergents. L’indice MSCI World reflète les moyennes et grandes capitalisations de 23 pays développés. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures.
[8] Source : Perspectives de l’économie mondiale du FMI, mises à jour en janvier 2017. Rien ne garantit que les prévisions ou estimations se réalisent.
[9] Source : Perspectives de l’économie mondiale du FMI, mises à jour en janvier 2017. Rien ne garantit que les estimations ou prévisions se réalisent.
[10] Source : FMI ; Prévisions de janvier 2017 pour le Mexique et le Brésil ; d’octobre 2016 pour l’Argentine. Rien ne garantit que les prévisions ou estimations se réalisent.